Grand stationnement, grande responsabilité (climatique et fiscale)
Lettre ouverte publiée dans Le Droit
Les changements climatiques engendrent une recrudescence d’événements météorologiques extrêmes, et Gatineau n’y échappe pas. Les inondations de 2017 et 2019 restent gravées dans la mémoire collective.
À la fin de 2024, un rapport sur les risques d’inondation à Gatineau soulevait une proposition radicale : « l’expropriation de quartiers complets afin de les redonner à la nature »[1]. Est-ce là l’avenir que nous souhaitons pour la communauté ? Devons-nous nous résigner à voir des secteurs entiers disparaître plutôt que d’investir dans des solutions qui renforcent progressivement notre résilience aux aléas climatiques ?
Face aux défis climatiques, nous avons le choix : subir ou agir. Plutôt que de voir nos quartiers disparaître sous les eaux, mobilisons-nous pour bâtir une ville plus résiliente.
C’est précisément l’objectif de la taxe sur les parcs et terrains de stationnement, qui suscite tant de réactions. Cette mesure d’écofiscalité[2] vise notamment la « réduction des surfaces asphaltées ou bétonnées » et la promotion d’« aménagement d’espaces verts »[3]. L’imperméabilisation des sols causée par ces grands stationnements perturbe le cycle naturel de l’eau et engendre des défis considérables pour les municipalités : refoulements d’égouts, inondations, déversement d’eaux usées dans les cours d’eau, pollution des eaux de ruissellement, hausse des coûts de traitement et altération des écosystèmes[4].
On estime que 75 à 100 % des territoires urbanisés sont imperméables[5] et donc vulnérables aux crues soudaines, comme celles qui ont marqué les années passées, à Gatineau et ailleurs. Les experts exhortent les municipalités à adapter leurs infrastructures en privilégiant des aménagements résilients qui favorisent la percolation de l’eau dans les sols. De nombreuses initiatives émergent sur le domaine public : parcs éponges, aménagements filtrants, infrastructures bleues et vertes. Mais cela ne suffit pas.
C’est pourquoi plusieurs villes québécoises – déjà Montréal, Laval, Québec, Longueuil, Sherbrooke et Boucherville – ont adopté une taxation sur les surfaces imperméables, comme les stationnements. Cette taxe permet de mieux répartir la responsabilité des conséquences climatiques en incluant les entreprises qui choisissent de consacrer de vastes espaces au stationnement. Malgré cette nouvelle responsabilité, ces entreprises continuent de prospérer.
Nous comprenons les inquiétudes des entrepreneurs de la région, qui voient leur modèle d’affaires remis en question par cette taxe, bien qu’elle soit en discussion depuis maintenant sept ans. Toutefois, n’oublions pas que la Ville a été en première ligne pour répondre aux crises causées par les inondations passées – et elle le sera lors des prochaines. Comme les citoyen·nes de Gatineau, nous croyons fermement que « l’intérêt commun doit primer sur les intérêts particuliers [6]», et cette taxe incarne cet engagement.
Face aux crises urbaines et aux impératifs d’adaptation des infrastructures, nous pouvons choisir de maintenir une taxation uniforme pour tous les contribuables, sans égard aux comportements individuels. Mais l’écofiscalité offre une approche plus judicieuse : elle permet de reconnaître que certaines pratiques, comme l’aménagement de vastes stationnements, engendrent des coûts considérables et des effets néfastes pour la collectivité, impactant directement les budgets municipaux. En adoptant cette approche, Gatineau et les autres villes qui s’y engagent empruntent la voie d’une fiscalité plus équitable, limitant ainsi la hausse des taxes directes imposées à la population.
[1] Inondations : de grands bouleversements à l’horizon pour Gatineau
[2] Ensemble des mesures fiscales visant à limiter les atteintes à l'environnement, en incitant notamment les individus et les entreprises à modifier leurs comportements, soit par des abattements d'impôt ou des exonérations d'impôt, ou encore par l'imposition de taxes et de redevances sur les biens et services pouvant avoir des effets préjudiciables à l'environnement. (OQLF)
[3] Taxe sur les stationnements_Comité exécutif
[4] Pourquoi enlever l’asphalte ?
[5] La gestion durable des eaux de pluie : Guide de bonnes pratiques sur la planification territoriale et le développement durable (MAMOT, 2010)
[6] Oui, la taxe sur les stationnements est bénéfique pour Gatineau