Affaire Stablex : Quelle ville sera la prochaine victime de l’incohérence gouvernementale ? Lettre ouverte du Caucus écologiste municipal

Jeudi dernier, le gouvernement de François Legault a imposé à l’Assemblée nationale l’adoption sous le bâillon du projet de loi 93, visant la cession d’un terrain appartenant à la ville de Blainville, dans les Basses-Laurentides, à l’entreprise Stablex. Depuis plusieurs semaines, on parle de cette décision qui permettra à l’entreprise étatsunienne d’étendre ses activités et d’enfouir des millions de tonnes de matières dangereuses dans un milieu protégé au cours des 40 prochaines années.

Malgré l’adoption en 2017 de la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité, François Legault et son équipe continuent de s’ingérer dans les affaires des municipalités québécoises, qu’ils considèrent encore comme des créatures du provincial. Cet événement constitue bien plus qu’un simple enjeu d’autonomie municipale.

Québec outrepasse ses propres lois dans ce dossier. Adoptée en 2023, la Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028, découlant de la Loi sur le développement durable, avance que “le gouvernement concentrera son action des prochaines années sur l’atténuation des principaux facteurs d’appauvrissement de la biodiversité du Québec[1]”, citant notamment “la perte et la fragmentation des habitats, l’étalement urbain, l’exploitation des ressources et la pollution[2]”. Les plus récentes Orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT), adoptées en décembre 2024, invitent les municipalités à “assurer la résilience des communautés par le renforcement de l’adaptation aux changements climatiques et l’accroissement de la sécurité des milieux de vie[3]” et à “assurer la conservation des écosystèmes[4]” lors des futurs exercices de planification du territoire.

De plus, Québec contredit le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) qui, en 2023, avait recommandé au gouvernement du Québec de rejeter le projet, tout en invitant le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs à “réaliser un état des lieux sur la gestion des matières dangereuses résiduelles et des matières non dangereuses préoccupantes[5]”.

Le cadre légal imposé aux villes les contraint à de multiples mesures de compromissions et de reddition de comptes. À quoi bon imposer ce cadre d’une complexité sans égale[6] si ce n’est que pour passer au-dessus de nos têtes et imposer des décisions contraires à nos lois votées démocratiquement? Les municipalités ne devraient pas avoir à écoper de l'incohérence du gouvernement provincial.

Nous appelons donc les partis provinciaux à respecter les lois et politiques qu’ils ont adoptées de manière démocratique afin que nous puissions atteindre nos objectifs d’adaptation aux changements climatiques. Rappelons que ces dernières années, certains États, dont Hawaii et le Montana, ont essuyé des revers devant les tribunaux en raison de leur incapacité à respecter leurs propres engagements environnementaux. Autrement, c’est le travail de près de 8000 élu·es municipaux mobilisé·es à préserver nos milieux sensibles que vous rendez caducs. Il ne nous restera donc qu’à attendre en nous demandant quelle ville sera la prochaine victime de l’incohérence gouvernementale ?


[1] Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028, p. 30

[2] Idem

[3] Orientations gouvernementales en aménagement du territoire

[4] Idem

[5] Rapport d'enquête et d'audience publique, p. 101

[6] Maxime Pedneaud-Jobin (2023), p. 14

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